
Juge des référés du tribunal administratif de Rouen, 2101119, 27 mars 2021
où l’on constate avec satisfaction que le juge des référés peut réellement ordonner « toute mesure utile », y compris la restitution d’un document
Une personne étrangère se retrouve enfermée, avec son enfant mineur, au centre de rétention de Oissel bien qu’elle se trouvât munie d’un titre de séjour délivré par les autorités allemandes et avait la qualité de réfugiée.
Évidemment libérée par le juge des libertés et de la détention, elle ne demande qu’une seule chose : rentrer en Allemagne.
Las, l’administration ne l’entend pas de cette oreille. Elle qui avait tout fait pour essayer de convaincre le JLD de la maintenir en rétention pour organiser son départ de France, l’en empêche désormais en refusant de lui rendre son document de voyage, lequel lui permettrait de pouvoir repartir chez elle et d’accomplir… ce que l’administration voulait qu’elle fasse.
Le problème est urgent : l’Allemagne est sur le point de fermer de nouveau ses frontières en raison de la résurgence de la pandémie de COVID. Son titre de voyage expire dans quelques jours : si elle ne rentre pas, elle sera bloquée en France.
Bloquée, sans réponse de l’administration malgré plusieurs relances, elle n’a d’autre choix que de saisir le juge administratif dans le cadre d’un référé-liberté, lequel permet au juge des référés d’ordonner « toute mesure utile ».
Le juge des référés va faire droit à la demande en constatant que
« Le refus de l’autorité préfectorale de restituer les documents d’identité et de voyage a pour effet de contraindre la requérante et sa fille à rester en France, compte tenu des mesures de contrôle aux frontières instaurées par les autorités allemandes, alors qu’elles sont titulaires d’un titre de séjour pluriannuel délivré par les autorités allemandes. Dans ces conditions, la rétention du passeport et du titre de séjour allemand de X et de sa fille porte à leur titulaire une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d’aller et de venir sur le territoire des États membres de l’espace Schengen, dont elles bénéficient en qualité de ressortissantes étrangères en situation régulière. »
Il enjoint donc à l’administration de procéder à la restitution dans le délai de 48h à compter de la notification de l’ordonnance. Élément notable, il accompagne cette injonction d’une astreinte de 100 € par jour de retard. Injonction efficace qu’il ne sera pas nécessaire de faire liquider, l’administration restituera les documents de voyage dans les délais impartis.